Le premier sexe ou la grosse arnaque de la virilité au Théâtre de la Reine Blanche

D’un regard aussi acerbe qu’affranchi, un jeune homme revient sur ce qui l’a construit. Breaking news : la virilité est un mythe asphyxiant qui abîme même les plus virils d’entre nous. Mickaël Délis explique pourquoi dans un brillant seul-en-scène : Le premier sexe ou la grosse arnaque de la virilité au théâtre de la Reine Blanche à Paris (vite : c’est jusqu’au 18 juin seulement !). 

Il y a 4 ans, en 2018, Eddy de Pretto apparaissait dans son propre clip, corps freluquet enduit d’huile de moteur déposé virilement sur un banc de muscu, psalmodiant ironiquement les injonctions qui avaient bercé son enfance :   « Tu seras viril mon kid, tu brilleras par ta force physique.
Ton allure dominante, ta posture de caïd
Et ton sexe triomphant pour mépriser les faibles
Tu jouiras de ta rude étincelle
 ».

À cette époque, tout le monde (sauf Eric Zemmour) avait été enthousiasmé par ce clip novateur qui dénonçait les diktats masculins. Et tout le monde avait raison !

Eddy de Pretto avait ouvert la voie. Depuis, un nombre significatif des spectacles (Bonhomme de Laurent Sciamma, Sensiblement viril de Alex Ramirez…), de livres (Des hommes justes, Ivan Jablonka), de podcasts (Mansplaining, Les couilles sur la table…) sur le thème de la masculinité sont nés. Le premier sexe ou la grosse arnaque de la virilité au Théâtre de la Reine Blanche fait partie de ceux-là. 

De et avec Mickael DELIS

Virilité abusive

Comme Eddy de Pretto, Mickaël Délis, co-auteur et acteur de la pièce, développe la fameuse question du chibre pour aborder les violences de ceux qui ne se conforment pas aux normes. La bite catalyse-t-elle toutes les violences de genre, y compris celle du masculin exercé, même contre lui-même ? 

Oui, quand elle est utilisée comme arme pour minorer l’autre dans le très symbolique vestiaire des hommes. Oui, quand elle sert à humilier un préadolescent timide en lui demandant s’il en fait « l’usage », et comment. Oui encore, quand seulement les hommes parlent de, exposent, montrent, leur bite. L’égalité sera atteinte quand on verra autant de pubis dessinés sur les murs des toilettes publiques.

Et demain le feu

Mais avant, qu’arrive-t-il quand on ne correspond pas à la norme dominante ? On vit de sales moments, des moments effroyables, même, parfois, qui peuvent se montrer si intolérables que l’on préfère imiter la violence des autres, la faire sienne pour survivre, au moins pour un temps. 

Et puis, finalement, on peut finir par se rendre compte qu’on n’en veut pas et faire le choix de s’en abstraire. Avant ça bien sûr, il faut prendre le temps de se « déconstruire ». Lire des théories sur le sujet, de Bourdieu à Butler, en passant par Preciado.

Ces théories ont de toute évidence beaucoup compté pour Mickaël Délis. Sans doute lui ont-elles permis d’entamer sereinement le parcours de sa déconstruction.

Updater Beauvoir

« L’idée, c’était d’offrir un écho au Deuxième sexe, en s’inspirant à la fois de la démarche analytique et de la méthode de déconstruction des présupposés culturels » dit l’auteur.

Comme ça, la phrase semble un peu pompeuse. Mickaël l’avoue lui-même, il s’est un peu emballé en l’écrivant. Mais, isolé le ton —un peu, quoi, masculin ? — de celle-ci, rappelons-nous surtout qu’elle représente parfaitement ce seul-en-scène intelligent et drôle. 

Comprenons aussi : ici, c’est le prisme de l’expérience vécue qui vient étayer la théorie.

Et, à l’inverse de tous ses personnages, Le premier sexe ou la grosse arnaque de la virilité au Théâtre de la reine Blanche réussit le tour de force de ne pas parler de sa bite, mais de rendre justice, plutôt, à toutes ces lectures qui nous façonnent et nous sauvent. 

Le résultat est ce brillant et inspirant seul-en-scène qui, quoique s’inscrivant dans la lignée de ceux existants, ne ressemble à aucun autre. 

 « Le tout, sans oublier de se marrer », dit Mickaël, « parce qu’on réfléchit toujours mieux en rigolant ». 

Le premier sexe ou la grosse arnaque de la virilité 
Production Compagnie Passages 
Écrit et joué par Mickaël Délis
Mise en scène par Vladimir Perrin et Mickaël Délis 
Théâtre de la Reine Blanche
2 bis passage ruelle, Paris 18e

Jusqu’au 18 juin 2022
Réservations

Photos © Marie Charbonnier