Les livres à lire cet été
Il y a les livres qu’on lit et ceux que l’on aime. Pour sublimer et partager la deuxième catégorie, notre maestro de la littérature, Camille Bonvalet, opte pour un roman, le dévore puis nous en parle dans cette nouvelle rubrique : Les livres à lire cet été. Une jolie façon de valoriser des ouvrages méconnus qui n’ont pas reçu la lumière qu’ils méritent. Alors, lisez maintenant !
Une jeune femme au ton froid et désabusé revient sur son expérience de quelques mois en tant que modératrice de contenus web. Sa conclusion est que le pire n’est pas là. Chronique sur l’ouvrage Les choses que nous avons vues de Hanna Bervoets.
« Qu’est-ce que tu as vu, au juste ? ». À priori, c’est une question ordinaire. C’est presque une formule éculée qui ressemblerait à un « Ça va ? » posé plus par politesse que par intérêt. Mais où est la normalité de telles questions, quand on exerce un métier anormal ?
Kayleigh est modératrice de contenus. Lors d’une banale journée de travail, elle voit des saluts nazis, des décapitations, des chiens maltraités, des photos de mineurs nus et de bien pires horreurs. Pourtant, elle ne compte pas les citer : « Toutes ces histoires ont été racontées dans les journaux par d’anciens modérateurs. Autant d’exemples éculés, vous le savez aussi, pas vrai ? » Et de toute manière, elle n’écrit pas pour satisfaire « la curiosité de ces vies à côté desquelles on est passées ».
Désabusée, la narratrice préfère rendre compte de la vie intime des nettoyeurs du web, de leurs virées quasi quotidiennes au bar des sports entre collègues, une fois les bureaux quittés, quand la musique est trop forte pour parler autant qu’elle l’est pour refuser 2 ou 3 shots.
C’est peut-être là l’idée brillante de l’autrice : regarder du côté de l’intimité de ces modérateurs plutôt que des troubles maintenant connus générés par le visionnage abusif de contenus violents.
Solidarité, Sérénité, Précarité
Parmi les collègues, certains sont adeptes de la théorie de la terre plate. D’autres dorment si mal qu’ils croient en les effets des coussins remplis de noyaux de cerise et du thé à la valériane pour recouvrir une forme de sérénité. L’intérêt de Kaleigh s’oriente plutôt vers les pintes de bières en Happy hour et la masturbation.
Pourtant, malgré ces différences importantes, tous s’entendent assez bien pour se retrouver à enfiler tous les soirs des cocktails B-12 au bar des sports. « Merdique au possible », leur travail est l’occasion de côtoyer des gens avec qui, pour un temps, ils partagent la conviction selon laquelle « nous étions de taille à l’affronter, parce que nous formions une équipe » qui « parviendrait à s’en sortir ensemble ».
Car, le travail, c’est partager des conditions communes. Ce n’est pas rien. C’est créer de véritables liens. C’est tout du moins ce dont ils sont convaincus au départ. « À propos de ce qui se passe ensuite, les opinions divergent », prévient Kayleigh.
On vous laisse la chance de le découvrir par vous-même dans le drôlement captivant livre de l’autrice néérlandaise Hanna Bervoets : « Les choses que nous avons vues« . Traduit par Noëlle Michel, c’est son premier roman publié en français. C’est aussi le tout premier roman publié par la toute jeune et très prometteuse maison d’édition Le bruit du monde.
Puissent les prochains faire partie des choses que nous verrons !
Les choses que nous avons vues, de Hanna Bervoets
Publié le 3 mars 2022 aux éditions Le Bruit du Monde