Quand les Parisiens lavaient leur linge sale en public (et sur des péniches)

On vous parle d’un temps que les moins de 100 ans ne peuvent pas connaître. La Seine en ce temps-là accueillait des dizaines de navires immobiles, dédiés à la lessive. Les bateaux-lavoirs publiques de Paris étaient le lieu de rendez-vous des blanchisseuses, lavandières et Parisiennes modestes pour laver leur linge sale. Mais pas que !

On en apprend tous les jours. À la faveur de l’exposition « Le Paris de Dufy», présentée au Musée Montmartre dès la réouverture, notre œil curieux s’est arrêté sur une drôle d’œuvre de l’artiste. « Péniches sur la Seine, près du Pont-Marie » représente plusieurs bateaux identiques inconnus, flottant tranquillement sur le fleuve vers 1904. Qu’est-ce donc que ces péniches d’antan amarrées côte à côte et aux cheminées fumantes ? Pour avoir la réponse, plongeons dans l’univers des bateaux-lavoirs publiques de Paris. Quand les Parisiens lavaient leur linge sale en public. Littéralement.

"Péniches sur la Seine près du Pont Marie", 1904, Raoul Dufy (1877-1953), exposition "Les Années folles, Raoul Dufy, Musée des Beaux-Arts, Quimper, Bretagne, France.
La Seine, circa 1900

Profession lavandière, métier oublié de Paris

En 1900, on dénombrait 14 buanderies flottantes sur la Seine et 3 sur le Canal St-Martin. Autant de possibilités pour les professionnelles du linge de l’époque de faire leur travail. Les lavandières ou blanchisseuses avaient donc pour (dur) labeur de nettoyer les vêtements sales quotidiennement. Un sacerdoce que l’on traine, hélas, depuis la nuit des temps. Contrairement aux lavoirs publiques, les bateaux proposaient de l’eau à volonté. Mieux encore, d’après les témoignages de l’époque, « l’eau de Seine était excellente pour laver le linge » ! Pas sûr que ce soit toujours le cas aujourd’hui, à moins que ?

Les Bateaux Lavoirs sur la Seine en 1900

Pour profiter de cette eau de jouvence spéciale textile, il fallait compter 5 centimes l’heure, 20 la demi-journée et 40 centimes le jour complet. À l’instar de nos laveries actuelles, les bateaux-lavoirs publiques de Paris étaient complets et disposaient de séchoirs (et non sèche-linge !) grandeur nature où étendre sa lessive : 20 centimes les petits, 35 les grands pour 24 h. De la même manière, pas de distributeurs automatiques de lessives et adoucissants au siècle dernier, mais un garçon de lavoir ou gérant, laissant à disposition produits et ustensiles aux usagers. Presque comme maintenant en somme, l’humain en moins. 

Le bateau-lavoir publique, une autre guinguette 

Qui dit lieu de passages dit lieu de vies et rencontres. Les bateaux-lavoirs publiques parisiens étaient bien plus que des lavomatiques d’antan. 

Chaque jour s’y croisaient une ribambelle de laveuses, entrainant dans leur sillon autant de marchands ambulants : vendeurs de journaux, marchandes de café, de gâteaux, fruits, poissons, viandes, mais aussi vendeurs de nécessaires à couture, de rigueur. 

Bateau-lavoir au Quai Bourbon à Paris, 1910
Bateau Lavoir, Le pont St-Michel, 1857

En attendant, non pas la fin du cycle de lavage, mais le linge plongé dans la lessive, les musiciens faisaient danser les professionnelles du lavage. Polka, valse, piston, clarinette… Il fait bon vivre dans et aux abords des bateaux-lavoirs parisiens. Jusqu’à la modernisation des foyers, l’arrivée des machines à laver individuelles et tutti quanti dans les années 50, qui sonnent le glas de ces drôles de navires à quai.

Histoire des bateaux-lavoirs publiques de Paris
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