Les livres à lire cet été #2 : De nouveaux endroits de Lucile Génin

Les livres à lire cet été

Il y a les livres qu’on lit et ceux que l’on aime. Pour sublimer et partager la deuxième catégorie, notre maestro de la littérature, Camille Bonvalet, opte pour un roman, le dévore puis nous en parle dans cette nouvelle rubrique : Les livres à lire cet été. Une jolie façon de valoriser des ouvrages méconnus qui n’ont pas reçu la lumière qu’ils méritent. Alors, lisez maintenant !

On est sérieuse, quand on a dit 17 ans. On croit du moins avoir la responsabilité de l’être. C’est le cas de Mathilde, adolescente, fille d’un père qui la surnomme « ma belette » et d’une mère à la « médiocrité moribonde ». Chronique sur l’ouvrage De nouveaux endroits de Lucile Génin.

La mère, tiens. Parlons-en. Cette dernière renouvelle sans cesse les cures de désintoxication à cause d’une « tendance à se shitfaced un peu trop souvent ». Mathilde l’a vue en revenir en se disant soignée, puis repartir quelques semaines après en ne l’étant finalement pas. 

C’est peut-être à cause de celle-là que la jeune fille endosse aujourd’hui la responsabilité d’être sérieuse. Ou peut-être pas. Peut-être, oui, que Mathilde s’en fout. Elle a cessé de s’intéresser aux efforts de sa mère quand celle-ci est revenue de cure pour la cinquième fois. 

De nouveaux endroits Lucile Génin

Et après tout, l’empêcher d’y retourner n’est que le cinquième point de la bullet list que Mathilde aécrite à 14 ans.

Avant, il y a : 

  • Embrasser un garçon
  • Partir très loin
  • Faire une connerie 
  • Boire de l’alcool

Cette liste a certes été écrite dans la naïveté de l’enfance, mais, alors que Mathilde a maintenant 17 ans, elle n’est toujours pas caduque. L’ado, devenue « grande fille blonde et gracile, une fille tout étirée en muscles, trop grande, trop blonde, trop belle, trop moche, trop bavarde en cours, trop silencieuse ailleurs, trop garçon manqué en sport, mais pas assez chouette pour traîner avec eux, trop grinçante, pas assez susceptible, trop drôle et pas assez fragile » est toujours sensible aux injonctions paradoxales lancées aux adolescent.e.s. 

Et d’une manière ou d’une autre, elle les met à l’épreuve.

Mathilde court, va aux soirées, embrasse ceux qui lui plaisent, trottine le matin en solitaire sur la plage de sa Bretagne natale. Dans la liberté toute relative que le patriarcat laisse aux jeunes filles, elle écoute ses désirs, sans se méfier.  

« Je ne comprends pas ce que ça peut te foutre »

C’est alors qu’elle découvre que pour une jeune femme libre, le monde n’est jamais aussi hostile que quand on se permet d’être une jeune femme libre.

Et, à un âge où l’enfant pétri d’égoïsme se transforme en un adulte assoiffé d’altérité, est-il si aisé de faire fi de l’avis des autres ?

Dans ce récit initiatique aux accents éco féministes, la fougue, la détresse et la violence décrits cent fois dans d’autres récits sur l’adolescence sont sublimés par la lucidité de la narratrice. Ironique plutôt que candide, elle avance avec flegme, forgeant sa force dans une absence de conformisme.  

C’est joyeusement, que, aux côtés de Mathilde (et, entre autres personnages féminins forts, une inspectrice qui sent le Chanel numéro 5), on fait l’expérience d’une condition, celle d’être une femme.

De nouveaux endroits de Lucile Génin.
Publié aux Éditions du Sous-Sol